L'orgueil du plâtrier
C'est un ouvrier plâtrier tout cassé par un ancien accident de travail que j'assistais ce jour là alors que son patron voulait le licencier suite à de mauvaises affaires ainsi que l'autre salarié, son beau frère.
Enfin, on m'avait dit que le travail ne manquait pas mais comme l'artisan se contentait de faire les devis et ne touchait plus un outil depuis des années, ce sont les deux salariés - mon protégé et un de ses beaux-frères, qui devaient à deux faire les chantiers.
Et selon leur expression "sortir trois salaires à deux".
Le salarié semblait soulagé de s'en aller car l'histoire était assez sordide: ils étaient beau-frères également ... avec l'employeur.
Le salarié tout-cassé tout timide, n'ayant jamais demandé une augmentation en dix ans car on travaillait en famille n'en pouvait plus de ne pas être payé depuis deux mois et traîté en plus d'ouvrier "pas rentable".
Le patron était très maître de lui, presque arrogant, répondant systématiquement à mes question de "voir son avocat, Maître X à ce sujet".
J'avais beau lui rappeler que c'est à son salarié qu'il devait lors de cet entretien expliquer les causes du licenciement envisagé.
L'un bien coiffé, sportif, portant une tenue de travail blanche propre était venu avec une cammionnette Mercedes neuve où son nom s'inscrivait en grosses lettres à côté du dessin d'un petit artisan souriant.
L'autre boîtait dans ses habits défraîchits et allumait cigarettes sur cigarettes.
Le lieu de l'entretien était le siège social de l'entreprise.
Mais comme l'adresse officielle de la petite société était enore le domicile conjugal de l'employeur et que celui-ci venait de divorcer, son ex femme qui avait concervé la belle maison ne lui avait accordé que le droit de disposer pendant une heure...de la cabane de jardin!
Comme ça m'a paru inhabituel mais tout à fait légal, nous avons discuté debout, porte ouverte sur le jardin malgré une pluie d'automne.
Ce fut très court et nous sommes repartis.
"Je ne vais pas faire un procès à mon beau-frère, quand-même?", me demandait le nouveau chômeur.
Je l'en dissuadais en effet. Aucune chance de succès car tout était régulier.
Aucun texte du droit du travail n'obligé à un artisan de travailler de ses mains comme ses compagnons.
"Je ne vais pas le mettre au tribunal pour le licenciement, je veux juste que le tribunal dise que c'est moi qui lui ai appris à faire le placoplatre et qu'il ne sait toujours pas faire les angles extérieurs".
Je me vois mal plaider pour qu'un ouvrier soit reconnu meilleur professionnel que son employeur...
Le plus difficile dans ces histoires est souvent une question d'orgeuil et d'ego humilié pour un salarié persuadé d'avoir beaucoup trop donné à l'entreprise.